Par un avis contentieux du 23 décembre 2016 (n°398077), le Conseil d’État a apporté d’utiles précisions concernant le recours contentieux formé par un professionnel contre le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale délivré à son concurrent.

Avant de statuer sur la requête formé par une société contre le permis de construire délivré à une de ses concurrentes en vue de la réalisation d’un supermarché de 1.275 m², la Cour Administrative d’Appel de Nancy avait soumis au Conseil d’État plusieurs questions, portant – en résumé – sur l’application des dispositions des articles R. 600-1 et R. 600-2 du code de l’urbanisme et sur les conséquences de la saisine de la Commission Nationale d’Aménagement Commercial (CNAC) sur l’instruction de la demande de permis.

Le litige porté devant la Cour Administrative d’Appel avait la particularité de concerner un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale délivré avant même que la CNAC ne se soit prononcée sur le recours formé par un concurrent contre l’avis favorable de la commission départementale d’aménagement commerciale (CDAC) compétente.

Sur ce point, le Conseil d’État rappelle qu’en cas de recours introduit devant la CNAC contre l’avis de la CDAC compétente, ou en cas d’auto-saisine de la CNAC, l’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction prolongé de cinq mois (article R. 423-36-1 du code de l’urbanisme) et doit donc attendre l’intervention de l’avis – exprès ou tacite – de la CNAC avant de délivrer le permis de construire. Il retient en effet que « cet avis se substituant, ainsi qu’il a été dit, à l’avis de la commission départementale, le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne saurait légalement intervenir avant qu’il ait été rendu ».

Cependant, le Conseil d’État considère que le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale délivré avant que la CNAC ne se soit prononcée ne serait pas entaché d’illégalité de ce seul fait, tout en soulignant l’insécurité juridique résultant du fait qu’en cas d’avis négatif de la CNAC, la légalité du permis pourrait être remise en cause et en recommandant par conséquent à l’administration d’éviter de délivrer le permis avant l’expiration de ces délais.

« 8. En revanche un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale délivré avant l’expiration des délais d’un mois prévus par les I et V de l’article L. 752-17 du code de commerce ne se trouverait pas entaché d’illégalité de ce seul fait. L’insécurité qui résulterait de ce que sa légalité pourrait être mise ultérieurement en cause à raison d’un avis négatif de la commission nationale, que celle-ci soit saisie d’un recours ou qu’elle s’autosaisisse, conduit toutefois à recommander à l’administration d’éviter de délivrer le permis avant l’expiration de ces délais. ».

En ce qui concerne les autres questions posées par la Cour Administrative d’Appel, le Conseil d’État précise, tout d’abord, que les professionnels dont l’activité est susceptible d’être affectée par le projet (« concurrents ») sont des tiers au sens des dispositions de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme. Ainsi, bien qu’ils ne soient pas nécessairement voisins du terrain d’assiette du projet, le délai de recours contentieux contre le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale court, à leur égard, à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage du permis sur le terrain. Il en est de même, selon le Conseil d’État, pour les dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme instituant la célèbre obligation de notification du recours à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis contesté.

L’avis contentieux du 23 décembre 2016 rappelle enfin que les concurrents ne peuvent solliciter l’annulation d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale qu’en tant qu’il tient lieu d’une telle autorisation, situation conduisant à la distinction des moyens et conclusions pouvant être présentés par les concurrents (qui ne peuvent porter que sur le volet « commercial » du permis) et par les autres tiers (qui ne peuvent porter que sur le volet « autorisation d’urbanisme »). Il souligne que « toutefois, le permis de construire ne pouvant être légalement délivré que si le pétitionnaire dispose d’une autorisation d’urbanisme commercial, son annulation en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’urbanisme commercial fait obstacle à la réalisation du projet ».

Le Conseil d’État précise ainsi que, dans l’hypothèse d’une annulation de l’autorisation d’exploitation commerciale, « si les modifications nécessaires pour mettre le projet en conformité avec la chose jugée par la décision d’annulation sont sans effet sur la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, un nouveau permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale peut, à la demande du pétitionnaire, être délivré au seul vu d’un nouvel avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, de la commission nationale », cette régularisation pouvant par ailleurs avoir lieu dans le cadre de l’application des dispositions de l’article L.. 600-5-1 du code de l’urbanisme.