Si, dans le langage commun, la notion de démolition est aisément définissable, cette même notion peut poser quelques difficultés d’appréciation en droit de l’urbanisme, en particulier lorsqu’il faut déterminer si les travaux nécessitent ou non l’obtention d’un permis de démolir.
Rappelons que, sur le fondement des dispositions des articles R. 421-26 et suivants du code de l’urbanisme, sont soumis à permis de démolir « les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisables tout ou partie d’une construction », lorsque cette construction est située dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal a décidé d’instituer le permis de démolir (article R. 421-27), ou lorsque cette construction est inscrite au titre des monuments historiques, identifiée comme devant être protégée dans le document d’urbanisme, ou située dans un secteur sauvegardé, dans le champ de visibilité d’un monument historique, dans une ZPPAUP ou une aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine ou dans un site inscrit (article R. 421-28). Sont dispensées du permis de démolir les démolitions susvisées lorsqu’elles sont couvertes par le secret de la défense nationale, lorsqu’elles sont effectuées sur un bâtiment menaçant ruine ou sur un immeuble insalubre, en application d’une décision de justice devenue définitive, sur un bâtiment frappé d’une servitude de reculement et, enfin, les démolitions de lignes électriques et de canalisation (article R. 421-29).
Lorsque cette démolition est nécessaire à une opération de construction ou d’aménagement, l’article L. 451-1 du code de l’urbanisme prévoit que « la demande de permis de construire ou d’aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l’aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d’aménager autorise la démolition ».
Une fois ces quelques précisions – un peu longues – apportées, force est de constater que la notion de travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisables tout ou partie d’une construction est plutôt difficile à définir.
Naturellement, la démolition totale du bâtiment relèvera de tels travaux. La démolition d’une partie seulement de la construction posera davantage de difficultés.
À titre d’exemple, le Conseil d’État a considéré que les travaux de démolition des toitures en vue de les remplacer par une dalle en béton, pour édifier un immeuble de huit étages, étaient soumis à la délivrance d’un permis de construire (Conseil d’État, 24 novembre 2004, Ville de Nice, req. n°223858). Ce permis n’est en revanche pas exigible pour les travaux réalisés sur un toit en vue de sa surélévation (Conseil d’État, 4 février 2004, Molinari, req. n°254223).
Dans l’arrêt Molinari susvisé, le Conseil d’État avait apporté un élément de définition en retenant que les travaux n’avaient pas « porté atteinte au gros œuvre en impliquant la démolition partielle de la construction existante ».
Cette définition a été précisée par l’arrêt du 14 mai 2014, SCI Alpanga (req. n°359847), puisque le Conseil d’État retient que doivent être précédés de la délivrance d’un permis de démolir, les « travaux impliquant la démolition totale d’un bâtiment ou la démolition d’une partie substantielle de celui-ci et le rendant inutilisable ». La condition d’ « atteinte au gros œuvre » de l’arrêt Molinari est ainsi remplacée par une double condition : la démolition doit concerne une « partie substantielle » de la construction et la rendre « inutilisable ».
En première analyse, cette nouvelle définition semble plus restrictive que la précédente. Elle laisse cependant subsister un doute quant à l’interprétation de la notion de partie substantielle du bâtiment. Il appartiendra au juge d’apprécier, au cas par cas, si la démolition projetée ou réalisée remplit cette condition… et au pétitionnaire de faire preuve d’une prudence particulière. Celle-ci commandera, en cas de doute, le dépôt d’une demande de permis de démolir ou de permis de construire visant les démolitions projetées sitôt que la portée des démolitions sera conséquente. Prudence est mère de sûreté.