Alors que la période estivale touche à sa fin, il semble pertinent de signaler une décision du Conseil d’État statuant en référé du 30 juillet 2014 (req. n°373426), illustrant le régime de la caducité d’un permis de construire ayant fait l’objet d’un retrait ultérieurement annulé par le juge administratif.

Les faits sont les suivants :

M. B. a obtenu, le 6 janvier 2007, un permis de construire tacite en vue de l’édification d’une maison d’habitation à La Baule-Escoublac. Par arrêté du 12 février 2007, le maire de la commune a décidé de retirer ce permis de construire. M. B. a donc saisi le Tribunal Administratif de Nantes d’une demande d’annulation de cette décision de retrait, à laquelle il a été fait droit par un jugement du 21 avril 2009, notifié le 29 avril 2009.

Quelques années plus tard, par un arrêté du 15 février 2013, le maire de la commune a déclaré le permis de construire caduc, au motif que les travaux avaient été interrompus pendant un délai supérieur à une année. Après avoir formé un recours gracieux, M. B. a saisi le Tribunal Administratif d’une demande d’annulation de cet arrêté ainsi que, par une requête distincte, la suspension de ses effets sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a visiblement rejeté cette dernière demande par une ordonnance du 6 novembre 2013, en considérant que la condition de doute sérieux quant à la légalité des décisions qui lui étaient soumises (la décision déclarant le permis caduc et celle rejetant le recours gracieux) n’était pas remplie. M. B. s’est pourvu en cassation.

En ce qui concerne la condition de doute sérieux, le Conseil d’État censure l’ordonnance du juge des référés du Tribunal Administratif.

Rappelons que, sur le fondement de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme,

« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.

Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. ».

La décision contestée était fondée sur le deuxième alinéa de cet article.

Il convient également de préciser que le permis de construire concerné bénéficiait de la prorogation exceptionnelle d’un an du délai de validité des autorisations d’urbanisme résultant de l’article 1er du décret n°2008-1353 du 19 décembre 2008, adopté dans le cadre du plan de relance. Son délai de validité était donc de trois ans.

Le Conseil d’État considère tout d’abord que le délai de validité du permis de construire avait commencé à courir de nouveau à compter de la date de notification du jugement annulant le retrait de permis, date « à laquelle le fait de l’administration de nature à empêcher la réalisation ou la poursuite des travaux a cessé de produire ses effets ».

La jurisprudence retient en effet que, lorsque l’interruption des travaux est liée à une décision de l’administration, l’application des dispositions susvisées est exclue. Tel est notamment le cas de l’interruption administrative de travaux ordonnée dans l’attente de la détermination de la propriété d’un mur (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 25 mars 2008, req. n°07NT01951).

Cette solution est particulièrement opportune pour éviter qu’une péremption ne soit opposée au bénéficiaire du permis de construire alors que l’impossibilité de réaliser les travaux serait imputable à l’autorité administrative.

Le Conseil d’État retient ensuite qu’ « à la date du 15 février 2013, moins d’un an s’était écoulé après l’expiration du délai de trois ans résultant de la combinaison des articles R. 424-17 du code de l’urbanisme et 1er du décret du 19 décembre 2008 » et en déduit que « par suite, le juge des référés a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux n’était pas caduc le 15 février 2013 n’était pas de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions litigieuses ».

La demande de suspension présentée par M. B. n’en est pas moins rejetée puisque le Conseil d’État, statuant sur cette demande au titre des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, a estimé que la condition d’urgence n’était pas remplie.

En effet, il ressort des termes de la décision que « pour justifier de l’urgence à suspendre l’exécution de l’arrêté litigieux, M. B…, qui ne précise pas les raisons pour lesquelles les travaux étaient interrompus depuis plusieurs mois à la date de la mesure litigieuse, se borne à invoquer la nécessité d’achever désormais rapidement la construction entreprise pour éviter le risque de dégradations liées aux intempéries et au vandalisme ».

Selon le Conseil d’Etat, la « nécessité » alléguée ne suffisait pas à caractériser la condition d’urgence prévue par l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

La jurisprudence est généralement assez exigeante pour apprécier cette condition d’urgence lorsque la demande de suspension porte sur une décision opposant au bénéficiaire la péremption de son permis (voir, par exemple, Conseil d’État, 6 décembre 2004, req. n°259608), comme en l’espèce, mais également lorsque cette demande vise une décision de refus de permis (pour illustration, Conseil d’État, 23 janvier 2008, Commune de Puget-sur-Argens, req. n°307939), une décision portant sursis à statuer sur une demande de permis (voir Conseil d’État, 28 juin 2013, Commune de Loudenvielle, req. n°365861) ou une décision de retrait de permis (Conseil d’État, 13 février 2012, association SPA de Vannes, req. n°351617, surtout connu pour ses précisions relatives au délai de retrait des permis de construire).

Le requérant pourra tenter de démontrer que cette condition est remplie en établissant que la décision risque de lui faire perdre le bénéfice d’une promesse de vente (Conseil d’État, 14 octobre 2009, société Eurovia Lorraine, req. n°327930) ou d’un prêt bancaire (Conseil d’État, 15 novembre 2010, SARL Francimo, req. n°342672), un préjudice économique lié aux frais engagés pour les travaux (Conseil d’État, 16 juin 2010, société Eolimistral, req. n°325304) ou même l’imminence d’une mesure de démolition ordonnée par le juge pénal (Conseil d’État, 19 juin 2013, commune de Bassilac, req. n°364819).

Le Conseil d’État a, par ailleurs, pris en considération le fait que le requérant ne précisait pas « les raisons pour lesquelles les travaux étaient interrompus depuis plusieurs mois à la date de la mesure litigieuse ». Ainsi, même si l’interruption des travaux n’était pas de nature à rendre caduque l’autorisation, le délai de trois ans n’étant pas encore expiré, elle pouvait faire apparaître l’absence d’urgence justifiant que l’exécution de la décision soit suspendue.