Par un arrêt du 3 juin 2020, le Conseil d’État a apporté deux précisions utiles, sur des points distincts : la notion d’emprise au sol, d’une part et la date à laquelle la régularisation d’un vice de fond entachant le bien-fondé d’un permis de construire doit être appréciée, d’autre part (Conseil d’Etat, 3 juin 2020, Société Alexandra, req. n°420736).

  • Sur la notion d’emprise au sol : le PLU peut préciser la portée de cette notion, mais pas lui donner un autre sens

Il convient de rappeler que l’emprise au sol est définie par l’article R. 420-1 du code de l’urbanisme comme étant « la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus », étant précisé que « toutefois, les ornements tels que les éléments de modénature et les marquises sont exclus, ainsi que les débords de toiture lorsqu’ils ne sont pas soutenus par des poteaux ou des encorbellements ».

Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, le règlement du plan local d’urbanisme comprenait une définition différente de l’emprise au sol, en prévoyant que « l’emprise au sol correspond à la surface de la construction édifiée au sol calculée au nu extérieur de la construction ».

Le Conseil d’Etat considère cependant que « si le règlement du plan local d’urbanisme peut préciser la portée de la notion d’emprise au sol définie par l’article R. 420-1 du code de l’urbanisme, il ne saurait être regardé comme lui conférant une tout autre acception ».

  • Sur la date à laquelle la régularisation du permis est appréciée : le vice de fond entachant le permis de construire initialement délivré peut disparaître du fait d’une évolution des règles d’urbanisme

L’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme permet au juge, lorsqu’il constate qu’un vice entachant la légalité du permis de construire contesté peut être régularisé par un permis modificatif, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour permettre la régularisation de ce permis et de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration de ce délai.

Le Conseil d’Etat distingue les vices de procédure et les vices « entachant le bien-fondé du permis », qu’on pourrait qualifier de vices de fond et précise, s’agissant de la date à laquelle la régularisation de ces vices est appréciée que :

Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision litigieuse, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. S’agissant des vices entachant le bien-fondé du permis de construire, le juge doit se prononcer sur leur caractère régularisable au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue et constater, le cas échéant, qu’au regard de ces dispositions le permis ne présente plus les vices dont il était entaché à la date de son édiction.

Cette précision est déterminante, puisque les règles d’urbanisme peuvent avoir évolué entre-temps. Le permis de construire initial peut ainsi être régularisé, sans réelle modification du projet, si les vices ont disparu du fait de l’évolution du document d’urbanisme.

« 11. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué qu’alors que la société Alexandra faisait valoir que le nouveau plan local d’urbanisme approuvé le 31 janvier 2017 avait supprimé tout coefficient d’emprise au sol et modifié la définition des accidents de toiture, la cour a décidé de ne pas faire application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme au motif que les vices affectant la légalité des permis en litige ne pouvaient, eu égard à leur ampleur, à leur nature et à la configuration du terrain, donner lieu à des modifications ne remettant pas en cause la conception générale du projet. En refusant de tenir compte de la circonstance que certains de ces vices avaient, en l’état du nouveau plan local d’urbanisme, disparu à la date à laquelle elle statuait, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. Toutefois, c’est au terme d’une appréciation souveraine exempte de dénaturation qu’elle a pu juger que les vices subsistant au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle elle statuait n’étaient en tout état de cause pas susceptibles de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur. Ce motif est à lui seul de nature à justifier le refus de la cour de faire application de ces dispositions. »