Dans un arrêt du 27 juillet 2015 (req. n°367484), le Conseil d’État a considéré que l’octroi au Maire d’un pouvoir de police spéciale en matière de contrôle des installations d’assainissement non collectif ne l’a pas privé de ses pouvoirs de police générale, lui permettant notamment de faire cesser les pollutions de toutes natures. Par conséquent, lorsque des dégâts ont été causés par le débordement de fossés recueillant les eaux usées, le fait que le Maire ait accompli des démarches en vue de la mise en conformité de ses installations d’assainissement, au titre de ce pouvoir de police spéciale, n’exclut pas que la responsabilité de la Commune soit engagée du fait que le Maire se soit abstenu de faire usage de ses pouvoirs de police générale.

Un exploitant agricole avait recherché la responsabilité d’une Commune en raison d’inondations répétées de parcelles qu’il exploitait, causées par le débordement de fossés recueillant les eaux usées d’habitations voisines. Le Tribunal Administratif de Lille avait fait droit à une partie de ses demandes en condamnant la Commune à lui verser une somme de 14 490 euros au titre de la remise en état des pâtures. L’exploitant agricole a interjeté appel de cette décision, en tant qu’elle rejetait ses demandes portant sur les préjudices liés à une surmortalité du troupeau. La Cour Administrative d’Appel de Douai a alors porté le montant de l’indemnité due par la Commune à 20 188 euros, mais a rejeté le surplus des demandes de l’exploitant agricole.

Le juge d’appel avait considéré que la période de carence fautive du Maire s’étendait de 1997 à 2007, date à laquelle ce dernier avait accompli des démarches en vue de la mise en conformité des installations d’assainissement, au titre des pouvoirs de police spéciale qu’il détenait à compter du 31 décembre 2006 sur le fondement des dispositions des articles L. 2224-8 du CGCT et de l’article L. 1331-1-1 du CSP. Cette période de carence avait, selon la Cour Administrative d’Appel, recommencé à courir à partir du moment où la Commune n’avait pas usé de mesures coercitives pour mettre fin au rejet des eaux polluées à l’expiration du délai de quatre ans prévu par les dispositions susvisées.

La difficulté portait donc sur le concours entre pouvoirs de police générale et pouvoirs de police spéciale du Maire. La responsabilité de la Commune était retenue, dans un premier temps, en raison d’une carence du Maire à exercer ses pouvoirs de police générale, puis était écartée dès lors que ce dernier avait accompli des démarches au titre de son pouvoir de police spéciale nouvellement reconnue, avant d’être de nouveau retenue pour la période de carence dans l’exercice de ce pouvoir de police spéciale.

Le Conseil d’État considère cependant que « l’octroi au maire, à compter du 31 décembre 2006, de pouvoirs de police spéciale en matière de contrôle des installations d’assainissement non collectif n’a pas privé celui-ci des pouvoirs de police générale qu’il tient de l’article L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, notamment en vue de faire cesser les pollutions de toute nature ». Le juge d’appel devait donc rechercher, malgré les démarches accomplies par le Maire au titre de ses obligations au titre de ses pouvoirs de police spéciale en matière de contrôle des installations d’assainissement non collectif, « si l’abstention de cette même autorité à faire usage de ses pouvoirs de police générale au titre des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pouvait, notamment entre 2007 et 2010, être également constitutive d’une faute ».

En d’autres termes, ce n’est pas parce que le Maire a fait usage de son pouvoir de police spéciale qu’il n’a pas commis une faute en n’exerçant pas son pouvoir de police générale (articles L. 2212-1 et L. 2212-2 CGCT), sur le fondement duquel il devait faire cesser les pollutions de toutes natures.

Le Conseil d’État censure également l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel en tant qu’il écarte l’indemnisation des préjudices liés à la surmortalité du troupeau, au seul motif que les différents rapports produits n’établissaient pas un lien de causalité entre la pollution des pâtures et cette surmortalité, « alors que les pièces versées au dossier soumis aux juges du fond établissaient que les inondations de ces pâtures par des eaux gravement polluées, récurrentes pendant plus de treize ans, avaient affaibli et fragilisé les animaux ».

L’arrêt du 27 juillet 2015 présente enfin l’intérêt de préciser que « lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d’un préjudice imputable à un comportement fautif d’une personne publique et qu’il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets ». L’exploitant agricole pouvait donc demander qu’il soit enjoint à la Commune de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux pollutions concernées ou, à défaut, de mettre à sa disposition une pâture saine. Cet apport de la décision n’est pas des moindres pour le justiciable…