La question de la juridiction compétente pour connaître d’une action en garantie entre les constructeurs peut poser de sérieuses difficultés en matière de litiges relatifs à l’exécution d’un marché public. En effet, les constructeurs concernés peuvent être liés par un contrat de droit privé, auquel cas l’appel en garantie devrait être examiné par le juge judiciaire. Par une décision du 9 février 2015 (n°C3983), le Tribunal des Conflits a cependant retenu la compétence de principe du juge administratif.

Afin de mieux comprendre cette décision, il convient de rappeler brièvement les faits du litige.

Après avoir constaté l’existence de désordres affectant la cloison mobile de la salle de restauration de son école élémentaire, une Commune a saisi son assureur « dommages-ouvrage », qui a sollicité la condamnation des constructeurs au paiement des sommes engagées pour la reprise de ces désordres devant le tribunal administratif de Lyon. Dans le cadre de ce litige, les constructeurs ont réciproquement présenté des appels en garantie, pour lesquels le tribunal administratif s’est déclaré incompétent. Dans la mesure où le juge judiciaire avait préalablement décliné sa compétence pour connaître de ces appels en garantie, le Tribunal des Conflits a été saisi.

Suivant la jurisprudence Société De Castro (T. Confl., 24 novembre 1997, n°03060), « le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ». Ce principe vaut « quel que soit le fondement juridique de l’action engagée » (T. Confl., 28 mars 2011, n°C3773) et a donc vocation à concerner l’ensemble des litiges liés à l’exécution des travaux, à l’exception de ceux opposant des parties liées par un contrat de droit privé.

En ce qui concerne l’appel en garantie formé par les constructeurs membres d’un groupement entre eux, l’application de ce principe jurisprudentiel est plus complexe, en particulier lorsque le marché n’indique pas la répartition des prestations entre ces constructeurs.

En effet, le Tribunal des Conflits précise que « lorsque le juge administratif est saisi d’un litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics opposant le maître d’ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement ». Dès lors que la répartition des prestations est prévue par le marché public lui-même, on comprend aisément que le litige relève de la compétence du juge administratif.

En revanche, dans le silence du marché, le Tribunal des Conflits considère que « le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d’un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l’interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse ».

Même si elle demeure cantonnée aux seuls appels en garantie, cette décision semble revenir sur la jurisprudence De Castro : le juge administratif sera bien compétent pour examiner des demandes présentées par des parties, alors qu’elles sont unies par un contrat de droit privé.

La compétence « du principal » va ainsi s’étendre aux demandes incidentes que sont les actions en garantie. Le juge administratif sera corrélativement conduit à examiner les stipulations du contrat de droit privé qui lie les parties concernées, à l’exception du cas « où la validité ou l’interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse ».