Dans un arrêt du 1er octobre 2015 (req. n°375356), le Conseil d’État a précisé que le principe suivant lequel le stagiaire doit pouvoir accomplir la totalité de son stage ne fait pas obstacle à ce que l’administration l’informe, avant la fin de son stage et dans un délai raisonnable, d’un risque de non-titularisation.

Une agent stagiaire avait été nommée au sein d’un EHPAD à compter du 1er juillet 2011, jusqu’au 30 juin 2012. Le 25 juin 2012, le directeur du centre hospitalier dont dépendait cet établissement a indiqué à l’intéressée qu’il mettait fin à ce stage et qu’il la radiait des cadres du personnel à compter du 1er juillet 2012. On comprend, à la lecture de l’arrêt, que la décision faisait suite à un rapport dressé le 5 mai 2012 par la directrice adjointe du centre hospitalier, indiquant à l’agent qu’il ne serait pas donné suite à son stage, suite à des incidents intervenus au cours du stage et en raison de l’insuffisance de ses aptitudes professionnelles.

La décision du directeur du centre hospitalier a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Lille du 17 avril 2013, confirmé par un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Douai du 10 décembre 2013. Le juge d’appel avait considéré que le rapport du 5 mai 2012 faisait apparaître l’existence d’une décision, prise dès cette date, de ne pas titulariser l’intéressée. Une telle décision méconnaissait ainsi la jurisprudence Commune d’Incarville (Conseil d’État, 1er février 2012, req. n° 336362) suivant laquelle, sous réserve d’un licenciement motivé par des insuffisances ou manquements professionnels de l’agent stagiaire, l’agent stagiaire a droit d’accomplir son stage dans des conditions lui permettant d’acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné.

Saisi du pourvoi formé par le centre hospitalier, le Conseil d’État rappelle, dans un premier temps, les termes de la jurisprudence Commune d’Incarville, suivant lesquels, d’une part, « sous réserve d’un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d’accomplir son stage dans des conditions lui permettant d’acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné » et, d’autre part, « la collectivité employeur ne peut, avant l’issue de la période probatoire, prendre d’autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l’article 9 du décret du 12 mai 1997 ».

Le Conseil d’État indique cependant que « ces principes ne font pas obstacle à ce que l’autorité administrative mette en garde, le cas échéant, le stagiaire afin qu’il sache, dès avant la fin du stage, que sa titularisation peut être refusée si l’appréciation défavorable de l’administration sur sa manière de servir se confirme à l’issue de cette période, ni à ce qu’elle l’informe, dans un délai raisonnable avant la fin du stage, de son intention de ne pas le titulariser ». Sur ce point, il convient de préciser que l’arrêt Commune d’Incarville indiquait qu’il était « loisible à l’autorité administrative d’alerter, en cours de stage, l’agent sur ses insuffisances professionnelles et, le cas échéant, sur le risque qu’il encourt de ne pas être titularisé s’il ne modifie pas son comportement ».

Or, selon le Conseil d’État, le rapport établi le 5 mai 2012 avait pour seul objet d’informer l’agent stagiaire de la suite susceptible d’être donnée à son stage, qui prenait fin le mois suivant. Ainsi, le juge d’appel a commis une erreur de qualification juridique en déduisant de ce rapport l’existence d’une décision de ne pas titulariser cet agent.