Le Conseil d’État a reconnu au maître d’ouvrage, par un arrêt du 7 décembre 2015, Commune de Bihorel (req. n°380419), la possibilité de rechercher la responsabilité du sous-traitant, avec lequel il n’a pas conclu du contrat de louage d’ouvrage, sur le terrain quasi-délictuel. Le maître d’ouvrage devra cependant invoquer la violation des règles de l’art ou de dispositions législatives et réglementaires et ne pourra se borner à se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par le sous-traitant, de ses propres obligations contractuelles.
Un syndicat intercommunal avait confié, dans le cadre de travaux de réfection de l’isolation de la couverture du toboggan d’une piscine, un lot de travaux n°3 « menuiseries intérieures » à une société, qui avait sous-traité à une seconde société la réalisation d’un pare-vapeur sur les panneaux d’habillage de la trémie d’accès au toboggan. Les travaux avaient été réceptionnés sans réserve, mais des désordres sont apparus sur la paroi de la trémie d’accès au toboggan quelques mois après. Le maître d’ouvrage (la commune de Bihorel, venant aux droits du syndicat intercommunal) a donc recherché la responsabilité des entreprises. Le tribunal administratif de Rouen a, par un jugement du 20 novembre 2012, condamné solidairement le maître d’œuvre et la société titulaire du lot n°3 à indemniser la commune des préjudices subis sur le fondement de la responsabilité décennale. La cour administrative d’appel de Douai a cependant annulé le jugement en tant qu’il prononce cette condamnation, tout en confirmant le rejet des conclusions dirigées contre la société sous-traitante. La commune s’est alors pourvue en cassation contre cet arrêt.
Le Conseil d’État retient, tout d’abord, qu’en estimant que « les désordres, qui revêtaient un caractère ponctuel, ne compromettaient pas la solidité de l’ouvrage ni ne le rendaient impropre à sa destination, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, s’est livrée à une appréciation souveraine des faits de l’espèce, qui n’est pas entachée de dénaturation ». La responsabilité des entreprises n’était donc pas susceptible d’être engagée sur le fondement décennal.
En ce qui concerne la responsabilité de la société sous-traitante, le Conseil d’État rappelle « qu’il appartient, en principe, au maître d’ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d’un vice imputable à la conception ou à l’exécution d’un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d’ouvrage ».
Il ajoute cependant qu’il est loisible au maître d’ouvrage, « dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n’a pas conclu de contrat de louage d’ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d’un contrat conclu avec l’un des constructeurs ».
Le Conseil d’État ouvre ainsi une possibilité pour le maître d’œuvre de rechercher la responsabilité des sous-traitants sur le fondement de la responsabilité délictuelle, en invoquant, « notamment, la violation des règles de l’art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires ». Le maître d’œuvre ne pourra en revanche « se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles », ni « rechercher la responsabilité de participants à l’opération de construction pour des désordres apparus après la réception de l’ouvrage et qui ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ».
Dès lors que la commune se bornait à invoquer la méconnaissance du contrat conclu entre le sous-traitant et la société titulaire du lot, le Conseil d’État considère que c’est à bon droit que le juge d’appel a rejeté les demandes fondées sur la responsabilité délictuelle du sous-traitant.