L’article L. 411-1 du code de l’environnement fixe un principe d’interdiction de destruction, d’altération ou de dégradation des habitats naturels et des habitats d’espèces protégées. L’article L. 411-2 du même code prévoit cependant la faculté, pour l’autorité administrative, de délivrer des dérogations à cette interdiction, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, dans un certain nombre de cas et, notamment, pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, dites « RIIPM ».

La jurisprudence a précisé qu’ « il résulte de ces dispositions qu’un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur » et qu’ « en présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. » (Conseil d’Etat, 24 juillet 2019, req. n°414353)

Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, les porteurs du projet, autorisé par un permis de construire, faisaient grief à la Cour Administrative d’Appel de Nancy d’avoir rejeté leur appel formé contre le jugement du Tribunal Administratif de Nancy, lequel avait annulé la dérogation aux interdictions de capture avec relâché et de destruction de spécimens de salamandres tachetées qui leur avait été délivré par le Préfet.

Le Conseil d’Etat censure le raisonnement de la Cour en retenant « qu’en estimant que le projet litigieux ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur au motif que celui-ci n’était pas nécessaire, à la date des arrêtés litigieux, pour permettre à la commune d’atteindre ses objectifs d’intérêt public d’aménagement durable et de politique du logement social et qu’il n’était pas démontré que le secteur auquel appartient la commune de Villers-lès-Nancy connaîtrait une situation de tension particulière dans ce domaine alors, d’une part que la construction de ces logements est destinée soit à permettre à une population modeste d’accéder à la propriété, soit à assurer le logement des populations les plus fragiles, et, d’autre part, que le taux de logements sociaux de la commune, observé sur une période significative de dix ans, était structurellement inférieur à l’objectif de 20 % fixé par le législateur et l’un des plus faibles de la métropole du Grand-Nancy, et qu’au demeurant les objectif fixés par la loi en termes de logements locatifs sociaux constituaient des seuils à atteindre et non des plafonds, la cour administrative d’appel de Nancy a inexactement qualifié les faits de l’espèce » (Conseil d’Etat, 29 janvier 2025, req. n°489718).

La jurisprudence continue ainsi à illustrer la notion de RIIPM dans un sens, pour cette affaire, défavorable au principe d’interdiction de porter au principe de protection des espèces protégées et, a contrario, favorable à l’octroi de dérogations à ce principe.