Malgré la volonté affichée de sécuriser les délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme, le législateur n’a pas remis en cause la faculté offerte à l’autorité administrative de surseoir à statuer à ces demandes, dans certaines hypothèses.
L’objectif d’un tel sursis à statuer est, de manière générale, d’éviter que l’administration soit amenée à autoriser des travaux, des constructions ou des installations qui seraient susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse une opération d’intérêt général, telle qu’une opération d’utilité publique (article L. 111-9 du code de l’urbanisme) ou l’exécution de travaux publics (article L. 111-10 du même code).
L’article L. 123-6 du code de l’urbanisme permet également à l’autorité compétente, « à compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme », d’opposer un sursis à statuer aux « demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan ». Cette possibilité existe également lorsque le plan local d’urbanisme fait l’objet d’une procédure de révision.
Le pouvoir ainsi reconnu à l’administration peut être lourd de conséquence pour le pétitionnaire. En effet, le sursis à statuer peut théoriquement être opposé à toute demande de permis de construire à compter de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme, jusqu’à la fin de cette procédure. Il en résulte donc une certaine insécurité juridique pour le demandeur qui, parfois, peut être tenté de déposer une demande de permis pour préserver ses droits à construire, sans attendre de connaître le futur classement du terrain d’assiette de son projet de construction.
Pour cette raison, l’exercice de cette faculté de sursis à statuer, générateur de contentieux, est soumis à certaines conditions, permettant à la fois de garantir les droits du pétitionnaire et son utilité pour l’administration. En particulier, le sursis à statuer ne peut, selon les dispositions de l’article L. 111-8 du code de l’urbanisme, « excéder deux ans ». À l’expiration de ce délai, l’autorité compétente doit, après simple confirmation de la demande par le pétitionnaire, prendre une décision dans un délai de deux mois, sans quoi le permis sera considéré comme ayant été tacitement délivré.
Dans un arrêt du 11 février 2015, SCI Naq Gamma (n°361433), le Conseil d’État précise que la décision de sursis à statuer cesse, quelle que soit la durée du sursis à statuer qu’elle indique, de produire ses effets à la date où l’élaboration ou la révision du plan local d’urbanisme, qui l’avait justifiée, est approuvée.
Le Conseil d’État distingue ainsi deux hypothèses :
En premier lieu, lorsque l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme n’est pas approuvé dans le délai de sursis à statuer, le pétitionnaire dispose, pour confirmer sa demande, d’un délai de deux mois à compter de l’expiration de ce délai.
En second lieu, lorsque le plan local d’urbanisme élaboré ou révisé est approuvé dans le délai mentionné par la décision de sursis à statuer, « le demandeur dispose, pour confirmer sa demande, d’un délai qui court à compter de la date d’adoption du plan local d’urbanisme et s’achève deux mois après l’expiration du délai qui lui avait été indiqué ».
L’arrêt retient que la société requérante pouvait confirmer sa demande de permis de construire plus de deux mois après l’approbation du plan local d’urbanisme, à partir du moment où cette confirmation avait été présentée moins de deux mois suivant l’expiration du délai mentionné par la décision de sursis à statuer.
Cette solution est particulièrement favorable au pétitionnaire, qui pourra, par le biais de la confirmation de sa demande, mettre fin aux effets de la décision de sursis à statuer dès que l’approbation ou la révision du plan local d’urbanisme fondant cette décision – s’il en a connaissance – ou se fonder sur le délai mentionné par cette décision, sans que l’administration puisse lui en faire grief.