Dans un arrêt du 4 juin 2014 (req. n°365236), le Conseil d’État a apporté de nouvelles précisions concernant les modifications du zonage du projet de plan local d’urbanisme intervenant après la phase d’enquête publique.

À ce stade, en effet, le projet de plan local d’urbanisme, arrêté par délibération du conseil municipal (ou du conseil communautaire) n’est pas figé et il peut connaître des modifications. L’objectif de l’enquête publique étant précisément de recueillir les observations du public, cette phase serait privée de toute utilité pratique si le projet soumis n’était pas susceptible de faire l’objet de modifications au vu de ces observations, des conclusions du commissaire-enquêteur ou des avis rendus par les personnes publiques associées préalablement consultées.

L’article L. 123-10 du code de l’urbanisme prévoit ainsi qu’après l’enquête publique, « le plan local d’urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d’enquête, est approuvé par délibération du conseil municipal ».

Il convient de préciser qu’avant l’intervention de l’ordonnance n°2012-11 du 5 janvier 2012, cet article prévoyait, sans autre précision, que le projet de plan local d’urbanisme était « éventuellement modifié » après la phase d’enquête publique. L’ordonnance du 5 janvier 2012 prend ici en compte la jurisprudence Lille Métropole Communauté Urbaine du Conseil d’État, qui précisait les conditions dans lesquelles le projet de plan pouvait être modifié postérieurement à l’enquête publique.

Rappelant en effet les conditions applicables antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi SRU, non remise en cause par cette loi, le Conseil d’État considère que l’article L. 123-10 du code de l’urbanisme permet à l’autorité compétente de modifier le projet de plan local d’urbanisme après enquête publique, sous réserve, d’une part, que l’économie générale du projet ne soit pas remise en cause et, d’autre part, que cette modification procède de l’enquête publique (Conseil d’État, 12 mars 2010, Lille Métropole Communauté Urbaine, req. n°312108).

Sont ainsi exclues les modifications du plan local d’urbanisme de dernière minute qui serait décidées par les auteurs du plan local d’urbanisme sans avoir pu être discutées au cours de l’enquête publique. Ces modifications ne seraient pas, par elles-mêmes, illégales, mais le projet de plan local d’urbanisme ainsi modifié devrait de nouveau être soumis à enquête publique, afin que les droits du public soient respectés.

Suite à cet arrêt, la jurisprudence a précisé les hypothèses dans lesquelles la modification du projet de plan pouvait être considérée comme ne remettant pas en cause l’économie générale du projet. Ainsi, la seule circonstance que les modifications étaient « nombreuses » ne suffit pas à démontrer qu’elles ont pu remettre en cause l’économie générale du projet, lorsqu’elles avaient pour objet « pour l’essentiel, la correction d’erreurs matérielles et des imprécisions formelles du projet » (Cour Administrative d’Appel de Versailles, 30 janvier 2014, req. n°12VE02373). De même, les modifications « ayant surtout pour objet de compléter le rapport de présentation par des précisions supplémentaires » ne sont pas considérées comme ayant « altéré l’économie générale du projet de plan local d’urbanisme » (Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 5 novembre 2013, req. n°12BX02690).

De la même manière, de nombreuses décisions ont précisé les cas où la modification pouvait être considérée comme procédant de l’enquête publique. Cette condition est naturellement remplie lorsque la modification résulte d’une observation du public ou des conclusions du commissaire-enquêteur (par exemple, Cour Administrative d’Appel de Nantes, 7 décembre 2012, req. n°11NT0172)mais il peut également s’agir de l’avis d’une personne publique associée, joint au dossier d’enquête publique. Il s’agit, par exemple, du classement de parcelles en espace boisé suite à « une remarque consignée dans l’avis que les services de l’Etat ont émis (…) en vertu de l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme » (Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 25 février 2014, req. n°13BX00139). Il en est de même s’agissant de la mise à jour d’une annexe du plan consécutivement à l’adoption d’un arrêté préfectoral instituant une servitude d’utilité, suite à une préconisation faite par l’État dans le cadre de l’avis joint au dossier d’enquête (Cour Administrative d’Appel de Versailles, 30 janvier 2014, req. n°12VE02373).

En revanche, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a considéré que la modification faisant suite à une proposition du Maire – certes provoquée par une remarque des services de l’État – n’ayant pas donné lieu à un accord explicite du commissaire-enquêteur « ne peut être regardée comme procédant de l’enquête publique » (Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 9 janvier 2014, req. n°12BX01595).

Cet arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux confirme également le caractère substantiel de l’illégalité qui en résulte. En effet, la jurisprudence Société Française du Radiotéléphone, citée dans mon billet du 2 juin 2014, précise qu’un tel vice de légalité externe n’est de nature à entacher d’illégalité le plan local d’urbanisme que s’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. Or la Cour Administrative d’Appel considère que les dispositions de l’article L. 123-10 du code de l’urbanisme « ont pour finalité de permettre aux intéressés de participer à l’enquête publique afin de faire évoluer le projet de plan qui leur est présenté et non d’ouvrir la possibilité à la commune d’apporter elle-même des modifications au projet qu’elle a initialement arrêté et décidé de soumettre à l’enquête publique ». Elle poursuit en retenant qu’au vu de la portée des modifications litigieuses et du fait qu’elles n’aient pu être soumises à l’appréciation du public, « lequel a ainsi été privé de la possibilité de présenter ses observations sur ces changements de réglementation », la méconnaissance de ces dispositions « a vicié le déroulement de l’enquête publique et a ainsi entaché d’irrégularité la procédure d’approbation du plan local d’urbanisme ».

Revenons-en à l’arrêt du Conseil d’État du 4 juin 2014. Dans cette affaire, la modification du zonage n’avait pas été sollicitée par les propriétaires de la parcelle et elle n’avait pas évoquée lors des débats intervenus ou des avis émis à l’occasion de l’enquête publique. Le Conseil d’État considère cependant que « cette modification devait être regardée comme procédant de l’enquête publique dès lors qu’elle était la conséquence logique, pour assurer la cohérence du zonage, de la décision prise par les auteurs du plan local d’urbanisme de faire droit aux demandes de changement de zone exprimées lors de l’enquête par le propriétaire de deux parcelles voisines se trouvant dans une situation comparable ».

Le Conseil d’État retient donc une interprétation libérale de la condition suivant laquelle la modification doit procéder de l’enquête publique, puisqu’il considère que cette modification peut ne pas avoir évoquée lors de l’enquête, lorsqu’elle est la conséquence logique de modifications souhaitées au cours de cette enquête. Cette interprétation paraît cependant pertinente, dans la mesure où elle vise à assurer une cohérence du zonage, en évitant des modifications isolées, restreinte aux seules parcelles dont la situation a effectivement été évoquée lors de l’enquête publique.