Il est acquis depuis l’arrêt du Conseil d’État du 10 février 2010, Commune de Saint-Lunaire (req. n°327149) que, conformément aux dispositions de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme doit faire apparaître que le conseil municipal a délibéré, au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la révision.
Le juge administratif exige par ailleurs que la délibération mentionne de façon suffisamment précise les objectifs poursuivis. À titre d’exemple, a été jugée contraire aux dispositions de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme la délibération qui se bornait à exposer que la révision du plan local d’urbanisme poursuit l’objectif d’affirmer la volonté de favoriser l’expression de projets d’aménagement et de développement durable, d’assurer une cohérence des activités d’aménagement et de faire valoir les principes fondamentaux, notamment celui relatif à la mixité sociale et urbaine (Cour Administrative d’Appel de Lyon, 31 mai 2011, req. n°10LY01585).
De nombreux plans locaux d’urbanisme ont été ainsi annulés par application de cette jurisprudence Commune de Saint-Lunaire.
On peut cependant s’interroger sur l’avenir de cette jurisprudence dans le cadre de la « danthonysation » du droit de l’urbanisme.
Ce néologisme fait référence à une évolution de la jurisprudence administrative suite à l’arrêt Danthony (Conseil d’État, 23 décembre 2011, req. n°335033), rendu dans une matière toute différente, mais récemment transposé dans le cadre du contentieux des documents d’urbanisme.
En effet, dans un arrêt du 17 juillet 2013, Société Française du Radiotéléphone (req. n°350380), le Conseil d’État a précisé que, « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ». Tel n’était pas le cas, dans l’affaire qu’avait à connaître le Conseil d’État, de l’insuffisance de la note de synthèse transmise aux conseillers municipaux avant l’approbation du plan local d’urbanisme, dès lors que ces mêmes conseillers municipaux avaient eu connaissance, sept mois auparavant, du projet de révision du plan local d’urbanisme et qu’une « note du rapporteur » faisant état des avis des personnes publiques associées et des suites qui leur avaient été réservées, « en explicitant la modification apportée au plan soumis à approbation par rapport au projet de révision », leur avait été transmise.
Peut-on considérer que l’insuffisance des mentions de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du plan local d’urbanisme, en ce qui concerne les objectifs poursuivis, est susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise ou prive les intéressés d’une garantie au sens de l’arrêt susvisé ?
Les termes même de l’arrêt Commune de Saint-Lunaire impliquent le caractère substantiel de ce vice de légalité, puisque le Conseil d’État considère que la délibération devant porter, d’une part, sur les objectifs poursuivis par la commune et, d’autre part, sur les modalités de la concertation « constitue, dans ses deux volets, une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d’illégalité le document d’urbanisme approuvé ».
On pourrait en déduire que l’insuffisance des mentions de la délibération en ce qui concerne les objectifs poursuivis est nécessairement de nature à priver les intéressés d’une garantie. Le contrôle du caractère substantiel du vice de légalité se confondrait alors avec l’examen du caractère suffisant des mentions de la délibération prescrivant la révision du plan local d’urbanisme.
Ainsi, le juge administratif examine si les objectifs mentionnés – même de façon plutôt imprécise – sont suffisants en se référant à la population de la Commune (pour un exemple récent, voir l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 11 mars 2014, Commune de Lahonce, req. n°13BX01581).
Dans un arrêt récent, la Cour Administrative d’Appel de Lyon a considéré que le moyen tiré de l’insuffisance des mentions relatives aux objectifs de la révision du document d’urbanisme relevait en réalité de la légalité interne de celui-ci. La Cour a ainsi écarté l’argument de la Commune tiré du fait que ce vice n’aurait pas exercé d’influence sur le sens de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme et n’aurait pas privé les intéressés d’une garantie. (Cour Administrative d’Appel de Lyon, 11 mars 2014, req. n° 13LY01054 : « 9. Considérant que si la commune d’Anneyron soutient que ce vice aurait seulement affecté le déroulement d’une procédure administrative préalable sans exercer, en l’espèce, la moindre influence sur le sens de la délibération du 16 décembre 2010 ni priver les intéressés d’une garantie, il résulte de ce qui précède que l’absence de définition des objectifs de la révision relevée ci-dessus met en cause, non pas la procédure d’adoption des délibérations des 15 janvier 2004 et 18 septembre 2008, mais leur contenu même, s’analysant ainsi comme un vice de légalité interne ; que, par suite, contrairement à ce que prétend la commune qui ne peut, à cet égard, valablement se prévaloir des précisions figurant dans le rapport de présentation sur les lignes directrices du projet de plan d’urbanisme, la délibération du 16 décembre 2010 se trouve entachée d’illégalité »).
Il est difficile de savoir si cette position va être suivie, mais on peut considérer, au vu des derniers arrêts rendus, que la jurisprudence Commune de Saint-Lunaire continuera à être invoquée devant le juge administratif… et à entraîner l’annulation de procédures de révision de plans locaux d’urbanisme.