Dans un récent arrêt du 23 octobre 2020 (n°425457), le Conseil d’État a précisé qu’ « une contestation relative au défaut d’autorisation des travaux par l’assemblée générale de la copropriété ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l’administration sur la qualité qu’il invoque à l’appui de sa demande d’autorisation d’urbanisme ».
L’arrêt comprend plusieurs rappels. En premier lieu, conformément à l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme, « la demande comporte également l’attestation du ou des demandeurs qu’ils remplissent les conditions définies à l’article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ». En second lieu, le permis est délivré sous réserve du droit des tiers, « il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé », de sorte que « toute personne s’estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d’autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d’urbanisme ».
Le Conseil d’Etat considère qu’ « il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l’attestation prévue à l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l’article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande » et « qu’une demande d’autorisation d’urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l’autorisation de l’assemblée générale de la copropriété, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire ».
Pour cette raisons, il juge qu’ « une contestation relative au défaut d’autorisation des travaux par l’assemblée générale de la copropriété ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l’administration sur la qualité qu’il invoque à l’appui de sa demande d’autorisation d’urbanisme, l’absence d’une telle autorisation comme un refus d’autorisation des travaux envisagés par l’assemblée générale étant, par eux-mêmes, dépourvus d’incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une demande d’autorisation d’urbanisme et ne pouvant être utilement invoqués pour contester l’autorisation délivrée ».
Cette solution est d’autant plus remarquable qu’en l’espèce, le pétitionnaire s’était vu refuser l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires lors de deux réunions, à la date du dépôt de la demande de permis. C’était donc en connaissance de cause qu’il avait déposé cette demande, ce qui avait visiblement amené le Tribunal Administratif de Paris à annuler le permis de construire, par un jugement du 13 septembre 2018, en considérant que le pétitionnaire s’était livré à une manœuvre frauduleuse entachant d’irrégularité ledit permis.
Le Conseil d’Etat censure cependant le jugement contesté, en retenant que :
« 5. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé qu’en attestant de sa qualité pour déposer sa demande de permis de construire alors qu’il ne pouvait ignorer que les travaux, objet de la demande, nécessitaient l’accord préalable de l’assemblée générale des copropriétaires, ni davantage qu’à la date du dépôt de sa demande de permis de construire, il s’était vu refuser l’assentiment de l’assemblée générale des copropriétaires lors des deux réunions qui s’étaient tenues avec sa participation, M. A… s’était livré à une manœuvre frauduleuse entachant d’irrégularité le permis de construire qui lui a été délivré. En statuant ainsi, alors que le défaut d’autorisation des travaux par l’assemblée générale n’est pas susceptible de caractériser une fraude visant à tromper l’administration sur la qualité invoquée à l’appui de la demande de permis, le tribunal administratif a entaché son jugement d’une erreur de droit. »
On peut aisément imaginer que les problématiques de droit civil vont resurgir lors de la réalisation des travaux.